viernes, 24 de julio de 2015
EL DESCUBRIMIENTO DE MACHU PICCHU POR HIRAM BINGAM
Le 24 juillet 1911, l'Américain Hiram Bingham, 36 ans, est à bout de forces. Voilà des jours et des jours qu'à la tête de son expédition il crapahute dans la jungle péruvienne à la recherche de l'ultime capitale des Incas. C'est une jungle de montagne, épuisante. Les hommes descendent par un sentier furtif dans la vallée oubliée de l'Urubamba. Ils franchissent un torrent sur un pont de troncs pourris. Il faut maintenant escalader l'autre pente de la vallée. Madre de dios, qu'elle est raide ! À côté, l'escalade du mont Ventoux par Vincenzo Nibali ressemble à une balade en tricycle... Les hommes glissent continuellement dans la boue, ce qui les oblige à ramper. Un effort surhumain effectué dans une végétation épaisse et lugubre bourrée de serpents venimeux qu'il faut abattre à coups de machette. Ils avancent mètre par mètre sous une pluie diluvienne et dans un brouillard à couper, lui aussi, à la machette. Sans compter le caillassage de la "racaille" de Brétigny-sur-Orge... Jusqu'au jour où, bingo, Bingham découvre le mont Machu Picchu couronné par la cité inca perdue depuis quatre siècles. Dès lors, la "huitième merveille du monde" est à jamais associée à son nom, Hiram Bingham !
C'est une merveilleuse découverte pour ce fils d'aristo même pas archéologue. Hiram se contente d'enseigner l'histoire de l'Amérique coloniale et républicaine dans les universités américaines. Rien à voir avec les Incas. Sa passion, c'est plutôt Simón Bolívar, et comme il n'est pas du genre à cirer les chaises de bibliothèque avec son derrière, il organise, en 1906, une première expédition à travers les Andes du Venezuela et la Colombie dans les pas de son idole. Il pousse le vice jusqu'à adopter le même accoutrement que Bolivar et la même monture : un âne. En 1909, il remet ça en parcourant, cette fois, l'Argentine et le Pérou, où il découvre la civilisation inca et se passionne pour elle. C'est alors qu'il se met en tête de retrouver Vilcabamba, l'ultime refuge du peuple exterminé par Pizarro. Il n'est pas le premier : cela fait plus d'un siècle qu'une cohorte d'aventuriers la recherche. Pour la gloire, un peu, et pour les trésors qu'elle est censée renfermer, beaucoup.
"Ruines !"
En 1911, sa troisième expédition, la Yale Peruvian Expedition, est patronnée par la prestigieuse université Yale et la Geographic Society de Washington. Bingham a convaincu six autres aventuriers de l'accompagner au Pérou : un géologue-géographe, un topographe, un naturaliste, un ingénieur familier de la haute montagne, un toubib et un étudiant assistant. Il a seulement refusé Jean-Louis Étienne, qui voulait participer à une aventure où on ne se caille pas les miches par - 50 °C... Début juillet, les sept hommes quittent Cuzco à dos de mule. Leur convoi emprunte la vallée de l'Urubamba. Et comme Bingham a égaré son GPS, il s'adresse à tous les Indiens quechuas rencontrés en ne leur disant qu'un mot : ruines ! L'expédition en vient ainsi à longer la rivière Urubamba, encadrée de murailles de granite. Hormis les Indiens, personne ne s'est aventuré par là depuis quatre siècles. Ne le répétez pas à Frédéric Lopez, il serait capable d'y emmener Nabilla pour son émission Rendez-vous en terre inconnue... Le paysage somptueux déclenche une vocation de poète chez Bingham : "Aux pics enneigés dominant les nuages de plus de 3 000 mètres et aux gigantesques précipices au fond desquels grondent des rapides miroitant au soleil s'opposent, en un total contraste, les étages d'une végétation luxuriante (orchidées, fougères géantes) et la magie ensorcelante de la forêt vierge."
Après plusieurs jours de marche, l'expédition finit par atteindre une petite plage de sable encadrée par le torrent de gigantesques à-pics recouverts d'une jungle tropicale. Tout le monde est crevé, on installe le campement. Le lieu n'est pourtant pas désert. Bingham et ses compagnons découvrent une hutte d'où un indigène les observe, interloqué. Il se nomme Melchor Arteaga et s'interroge : mais qu'est-ce que ces Amerloques peuvent bien venir foutre par ici ? En plus, ils ne se sont même pas présentés à sa "taverne" comme le font les rares voyageurs passant par là. Quelle grossièreté ! Il les accoste, furieux. Quand il apprend que Bingham est à la recherche de "ruines", il lui indique qu'il en connaît de très belles, et même d'exceptionnelles, sur une crête voisine appelée Machu Picchu, le vieux pic en quechua. Bingham réfléchit toute la nuit. Des ruines exceptionnelles ? C'est à voir.
Chaleur humide
Le lendemain matin, c'est le déluge, un temps à ne pas mettre un Quechua dehors. Seule NKM affronte la pluie à la recherche de Parisiens à convaincre de voter pour elle... Même Melchor grelotte dans sa cabane et n'a pas du tout l'intention d'en sortir. Mais Bingham lui propose un sol, soit quatre fois le salaire journalier dans le coin, ça ne se refuse pas. Aucun des autres membres de l'expédition ne tient à accompagner ce dingue de Bingham, alors chacun s'invente des obligations. Le toubib prétexte même de la couture à faire... Dites donc, les gars, on est là pour l'aventure ou quoi ? Ces désertions ne découragent pas Bingham, qui se met en route avec Melchor et le sergent Carrasco, son garde du corps et interprète donné par le préfet. Ils remontent le long de la rivière sur quelques kilomètres quand surgit un serpent. Arteaga prend sa machette et le déchiquette ! Comme ce coin est accueillant ! Au bout d'une petite heure de marche, le guide quitte le chemin et s'enfonce dans les fourrés, descendant vers la rivière. Voici un pont. Enfin, un pont, c'est vite dit : il est constitué de cinq ou six troncs d'arbre vaguement liés entre eux par des lianes. Comment ce truc peut-il supporter le poids d'un homme ? Pour celui qui rate son coup, c'est la mort assurée dans les rapides qui grondent dessous ! Arteaga et Carrasco enlèvent leurs chaussures avant de se jeter à plat ventre sur les troncs, s'agrippant de leurs doigts et orteils. Bingham, tout tremblotant, prend l'option quatre pattes. Le grand Indiana Jones, lui, aurait fait cette traversée à cloche-pied et les yeux bandés !
Le torrent traversé, il leur faut escalader une pente tellement raide que même le funiculaire de Montmartre aurait posé un préavis de grève. La chaleur humide est insupportable. Les trois hommes s'agrippent aux herbes, plantent leurs ongles dans la paroi pour progresser. Perchés à quelques centaines de mètres au-dessus de la rivière, à bout de souffle, ils font une halte dans une hutte. Oui, une hutte, au milieu de nulle part. Deux familles indiennes vivent là, retirées du monde depuis quatre ans, les Richarte et les d'Alvarez. Ils survivent misérablement en cultivant des terrasses taillées depuis des siècles dans la montagne. Bingham est impatient de repartir, mais les autres taillent tranquillement la bavette. Melchor Arteaga désigne un gamin d'une dizaine d'années, Pablito, pour faire le guide à sa place.
Parements de pierres
Les voilà repartis. Après avoir dépassé d'immenses terrasses, ils s'enfoncent de nouveau dans un labyrinthe de végétation tropicale "lorsque, soudain, des vestiges de murs de la plus belle facture surgirent devant" eux, relate Bingham. "Dans l'ombre dense, cachés derrière des fourrés de bambous et des vignes grimpantes, apparaissaient çà et là des parements de pierres de granite blanc finement taillées et délicatement appareillées", et ce n'est qu'un début ! Voilà bientôt Pablito en train de leur montrer ce qui semble être un mausolée royal ! Pour Bingham, sans nul doute, il s'agit de l'oeuvre d'un maître. Il s'extasie, ne sait plus où regarder : un temple gigantesque, des pierres taillées pesant au moins 15 tonnes chacune... Et il est encore loin de se douter de l'ampleur de cette ville qui dort encore sous cette végétation impénétrable. Il est au beau milieu des plus belles ruines de l'Amérique précolombienne. Mais quelle peut être cette mystérieuse cité, mentionnée sur aucune carte, si ce n'est le refuge du dernier Inca, Vilcabamba ?
En 1964, huit ans après la mort d'Hiram Bingham, l'explorateur américain Douglas Gene Savoy détruit cette thèse : Machu Picchu n'est pas Vilcabamba ! Alors, quelle était cette cité perchée au sommet de la montagne ? Couvent destiné aux vierges du Soleil ? Résidence impériale ? Les deux à la fois ? Les spécialistes hésitent encore. Mais le pire pour le pauvre Bingham, c'est qu'avant lui plusieurs aventuriers avaient déjà visité les ruines de Machu Picchu. Seulement, il fut le premier à reconnaître leur importance et à les faire connaître au monde entier. Aujourd'hui, le site reçoit la visite de plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année. C'est bien trop. Machu Picchu est menacé de destruction. Bingham en est tout retourné dans sa tombe.
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